Aphrodite, Livre troisième, texte de Pierre Louÿs illustré par Claire Wendling, Les Humanoïdes Associés
Les femmes créatrices de bandes dessinées ne sont pas légion.
De même, Claire Wendling na pas une montagne de créations
du neuvième art à son actif. On lui doit les dessins de la série
«Les
lumières de lAmalou», scénarisée par
Christophe
Gibelin chez Delcourt ou « Les
enfants du Nil », et encore quelques autres (trop rares) apparitions.
Quoi quil en soit, Claire Wendling doit à son indéniable
talent davoir été choisie par les Humanoïdes Associés
pour faire partie des quatre illustrateurs de Aphrodite,
le roman érotique de Pierre Louÿs.
Elle succède ainsi dans ce livre troisième à Milo
Manara pour le premier et à Georges
Bess pour le second. Ceux-ci avaient délivré de très
belles illustrations, certes, mais fidèles à ce quils
dessinent habituellement. Leurs images étaient de plus on-ne-peut-plus
explicites.
Claire Wendling a largement dépassé ce stade. Non seulement
ses dessins au fusain sur carton sont superbes mais elle a poussé le
bouchon jusquà rendre hommage à sa manière à
dillustres peintres dun temps passé mais contemporain de
lauteur, tels Egon Schiele ou Gustave Klimt par exemple. Cela lui permet
également de transposer en images plus subjectives le sombre récit
dambiance de Louÿs, qui était lui aussi plus suggéré
que cru.
Un travail époustouflant donc, dune qualité irréprochable!
Sans conteste le meilleur album de la série qui doit encore accoucher
dun livre quatrième dont lillustrateur aura beaucoup de
mérites à succéder à tant de qualités
Liens
site perso de Claire Wendling
Egon
Schiele
Gustav
Klimt
Consultation
en ligne de louvrage de Pierre Louÿs
Le nouveau rêve, Après lIncal,
tome 1, par Jodorowski, Moebius et Beltran, Les Humanoïdes Associés
Croot! 12 ans déjà depuis le dernier tome de LIncal de
Jodorowski
et Moebius.
Depuis, Jodorowski a exploré les alentours du même monde au contact
dautres dessinateurs : Avant lIncal avec Zoran Janjetov, la Caste
des Méta-Barons avec Gimenez ou encore les Technopères avec
Janjetov et Beltran. Mais dès le début, Jodo avait rêvé
lIncal en triptyque. Revoici donc John Difool Après lIncal
dans Un nouveau Rêve. Deux albums sont prévus en collaboration
avec le comparse de jadis Moeboo, assisté de Fred Beltran à
la numérisation des couleurs.
Résolument plus moderne, cet album sinscrit en succession directe
au scénario dAvant lIncal plutôt quà
la série initiale. Le détective privé de classe-R va
se réveiller de sa léthargie forcée dans lequel les Technopères
lont plongé à la fin du tome 5 dAvant lIncal.
Sa nouvelle quête commence alors; mais comment différencier le
rêve de la réalité ? Quoi quil en soit, il va de
nouveau être prié de sauver lunivers dune guerre
entre les Ténèbres et la Lumière.
Chaque planche est désormais signée Jodo & Moeboo. Le graphisme
change, les signatures aussi. Moebius a cette fois laissé les couleurs
au dessinateur de Mégalex, Fred Beltran, qui ne sest pas fait
prier. Le résultat rend cette nouvelle série tout à fait
attrayante et gomme le côté parfois suranné quon
pourrait éprouver à la relecture des anciens albums (même
si certains effets numériques sont parfois superflus). On sent peut-être
une difficulté du côté du maître Moebius de reprendre
en main son personnage central. Après tant dannées et
après lavoir vu évoluer sous dautres plumes, il
évolue cette fois même de la première à la dernière
planche. Mais le trait reste merveilleusement avant-gardiste avec
la palme allant à ce nouveau venu dont la morphologie galopante le
fait passer de jeune fille en fleur à un vaisseau aux allures phalliques.
Après une Caste des Méta-Barons tirée peut-être
un peu trop en longueur, on retrouve donc lunivers de Jodorowski avec
beaucoup de plaisir et lon savoure pleinement le grand retour de Jean
Giraud alias Moebius.
Liens
site officiel de Moebius
les mystères
de lIncal
Racken, Arq, tome 4 par Andreas, Collection Conquistador,
Delcourt
Andreas
Martens, ce Breton dadoption plus connu de son seul prénom, a
plus dune corde à son arc. À la fois dessinateur et scénariste,
il pourrait également passer pour romancier sil récidivait
plus souvent lexpérience du prologue
du tome 5 de Capricorne. Auteur à nul autre pareil, il a créé
un univers particulier, personnel, doté dun graphisme époustouflant.
Son style et ses découpages sont audacieux, parfois exubérants
mais toujours recherchés. Il se permet même de varier entre des
séries très difficiles comme Cromwell Stone ou même
Rork et dautres plus accessibles comme Capricorne. Entre
les deux, on trouve chez Delcourt la série Arq
dont le quatrième album, Racken, est sorti en octobre dernier.
Une fois encore, le résultat est à la hauteur des espérances.
La lecture évolue cette fois sur deux pages en continu (mis à
part bien sûr pour la première et la dernière planche);
ce qui ne nuit en rien à la compréhension du récit. Celui-ci
se porte plus dans ce volume sur le personnage de Montana et ses relations
avec un peuple dhumanoïdes terrorisé par le puissant Racken.
Les autres personnages auront tout le temps de se développer eux aussi
dans les prochains numéros car Andreas développerait volontiers
sa série en 3 cycles de 6 albums
une véritable épopée
en perspective !
Lien
Site dédié
à lauteur
Berceuse assassine, tome 1 : Le cur de Telenko tome 2 : Les jambes de Martha, par Philippe Tome et Ralph Meyer. Dargaud
Fin 1997, Dargaud publiait le premier volume de Berceuse
assassine de Philippe Tome
au scénario et Ralph Meyer
à la mise en image. Il aura fallu attendre un an et demi pour, enfin,
lire le deuxième album. Pas une suite, non ! La même histoire
vue dun autre angle. Et quelle histoire ! Tome nous balance un récit
noir, violent, dramatique. À lopposé de ses autres séries
(le grand et le petit Spirou, Soda,
), celle-ci est résolument
adulte. On sent assez fort que Tome se libère de certaines contraintes
qui lempêchent ailleurs de donner libre cours à son goût
pour le polar américain. Il met en scène des personnages à
la psychologie torturée et à la haine réciproque. Bonne
raison donc de conter chaque point de vue : du cab driver qui veut assassiner
sa femme à celle-ci qui ne veut en fait que liquider son mari.
Ces tortures, haines et mensonges sont dessinés par le jeune Ralph
Meyer. Nouveau venu à la bd, il marie le noir au jaune et à
la sépia pour créer une atmosphère propice à cette
sombre berceuse. Ses cadrages sont sans faille et les liens entre certaines
scènes à un tome dintervalle ne semblent pas lui avoir
causer trop dennuis. Preuve sans doute dun sens aigu de la précision
et du travail bien fait. De quoi se faire un nom dentrée de jeu
dans le monde du neuvième art.
On attend le troisième et dernier numéro avec impatience pour
découvrir ce que ces deux messieurs nous ont réservé
comme macabres révélations
Quelque part entre les ombres, Blacksad, tome 1, Diaz Canales & Guarnido, Dargaud
À défaut de nous livrer de nouvelles oeuvres, Régis Loisel
dessine des scénarimages (Le
Petit Poucet), des personnages de jeux (Gift),
ou encore écrit des préfaces élogieuses sur Blacksad.
Belle introduction pour deux auteurs ibériques, nouveaux venus dans
le monde du neuvième art franco-belge.
Il est vrai que cette entrée en matière pour le scénariste,
Juan Diaz Canales, et le dessinateur, Juanjo Guarnido, est tout simplement
magistrale. Loisel la bien compris et Dargaud a eu le nez fin en acceptant
de les éditer. Lhistoire est bonne, bien construite, sans temps
mort, même si elle nest toutefois pas spécialement originale.
Mais ne boudons pas le plaisir, il sagit tout de même dun
bon polar bien ficelé (mais sans indices à découvrir),
avec une bonne dose dhumour savamment distillée.
Lidée du casting nest pas inédite non plus. Quen
pense dailleurs linspecteur Canardo de Sokal ? Certainement beaucoup
de bonnes choses ! Lunivers et lambiance sont ici plus réels,
plus... humains.
Vu la qualité des dessins de Guarnido, on peut se demander sil
a appris sa technique chez Disney (où il travaille comme animateur)
ou si Disney doit apprendre de lui. Les cadrages, les mouvements et, surtout,
les expressions des personnages sont superbes. Les couleurs, à tendance
grisâtre, tantôt sépia tantôt virant carrément
au rouge dans les souvenirs sont également une belle réussite.
Voilà donc du sang neuf de qualité et sachant frapper fort en
guise dintroduction. On espère bien sûr que la suite des
aventures de cet inspecteur félin confirme la réussite incontestable
de ce premier tome. À lire absolument !
Sous deux soleils, Broussaille, tome 4, par Frank
et Bom, Collection Repérages, Dupuis
Après 11 longues années dabsence, Broussaille
pointe enfin de nouveau sa tête détudiant. Onze ans dattente
! Tout ça pourquoi ? Pour deux histoires courtes que les lecteurs du
magazine Spirou auront déjà pu lire depuis belle lurette. Quant
aux autres, lecteurs avides de redécouvrir la véritable poésie
qui jaillissait des trois premiers albums, ils ne pourront pas se satisfaire
de si peu.
Il ne faut toutefois pas exagérer ; les dessins de Frank valent toujours
la dépense de quelques deniers. Les couleurs resplendissent déclat
et si les soleils évoqués dans le titre de lalbum sont
ceux de lAsie et de lAfrique, ce sont sans aucun doute avec Frank
que leur chaleur se ressent le plus. Malheureusement les histoires ne sont
pas à la hauteur.
Pour la première, Le discret pouvoir de Jizô, on
ne peut même pas parler dhistoire. Cest une succession de
scènes du Japon contemporain. Un vrai album-photos de vacances ! Belles
photos néanmoins !
Pour Sandrine des collines, la déception vient surtout
du manque de développement du récit. Peut-être auraient-ils
dû se contenter de cette deuxième partie en lenrichissant.
Des personnages comme Eléonore, la grand-mère, ou la petite
Sandrine méritaient plus de profondeur. Enfin, on peut malgré
tout déceler le côté relations humaines qui faisait, entre
autres choses, la beauté de la série dantan.
Il faut espérer que Bom et Frank ne cherchaient quà rappeler
à tous quils étaient toujours là avant de nous
livrer une nouvelle histoire plus à limage des Baleines
publiques ou du magnifique La nuit du chat.
À noter que, tant quà lacheter, il ne faut surtout
pas manquer les ex-libris ou autres sérigraphies créés
pour loccasion et à trouver chez certains libraires comme Brüsel
ou lEspace BD.
Attaque, Capricorne, tome 6, par Andreas, Collection Troisième Vague, Lombard
On connaît Andreas
pour son graphisme incomparable. Son style et ses découpages sont audacieux,
parfois exubérants mais toujours recherchés. Il maîtrise
avec aisance et habileté les rouages les plus classiques
du neuvième art et les plonge dans des angles que lui seul pouvait
créer. Rien de surprenant dès lors pour ce sixième volume
de Capricorne où il sest encore une fois surpassé, aidé
à merveille par une Isa Cochet dont la mise en couleur semble coller
parfaitement aux traits de lauteur.
On connaît également Andreas pour les univers étranges
dans lesquels évoluent ses personnages. Cette fois, il choisit daller
plus loin encore en simpliquant personnellement dun point de vue
politique. Alors que sa série Capricorne
publiée au Lombard pouvait passer pour la plus accessible (étrange
certes, fantastique certainement mais moins tordue que Arq, Rork
ou Cromwell Stone), elle devient dun coup nettement plus adulte, plus
engagée.
Né en ancienne Allemagne de lEst en 1951, Andreas Martens passera
à lOuest dès 1960. Et voilà quil nous parle
au travers des déboires de son astrologue héros de lunivers
carcéral des camps de concentration, tels que sa région natale
en a connu plus dun. Les ségrégations se portent ici sur
les représentants du surnaturel en tout genre. Elles sont menées
par une mystérieuse organisation du nom de Concept au fascisme affiché
et dont le but nest autre que la domination planétaire. Véritable
parabole nazie qui draine tous les éléments de lépoque
: milices, rafles, camps dextermination, expérimentations scientifiques,
tortures,
Sujet difficile mais toujours, malheureusement, dactualité!
En excellent conteur dhistoires, Andreas traite le tout de manière
haletante dans une action menée tambour battant et renforcée
par la puissance de son trait. Il donne à ses personnages des physionomies
très typées, des caractères particuliers et des psychologies
tourmentées. À suivre dans Le Dragon Bleu quon est en
droit dattendre avec la plus grande impatience !
Quand demain sera hier, Chats
t5, Didier Convard et Paul, Dargaud
À ne pas confondre avec le célèbre Chat sarcastique de
Philippe Geluk, les Chats
de Didier Convard
ne sétaient plus vus offrir de publication depuis presque trois
ans. Éditée à lorigine chez Glénat, cette
série futuriste a été transposée dès le
4e tome chez Dargaud. Ce volume a aussi amené Paul aux côtés
de son... papa pour lassister au dessin.
Auteur prolifique (Neige, Finkel, Editnalta, Les Souvenirs de Toussaint, ...)
formé aux arts graphiques, il ne sest essayé que dans
cette seule série à lillustration de ses scénarios.
Il avoue dailleurs (dans une interview réalisée pour le
bimestriel La Lettre) que sa préférence va, de loin, à
lécriture. Il na pourtant pas à rougir du résultat
tant la qualité est au rendez-vous. Mais dessiner prend du temps et
Convard est devenu également directeur dune future collection
sur lésotérisme chez Glénat. Mais revenons à
nos Chats.
Ces bipèdes évolués après la chute de lespèce
humaine vivent en harmonie dans un monde en ruine où la végétation
a repris le dessus et où seuls quelques loups représentent une
menace. En un cycle de quatre albums, le lecteur Traîne
Pattes et son novice Saute Lune ont aidé Eve, la dernière femme,
à retrouver dautres membres de son espèce et à
perpétuer la trop rare sagesse des humains. Après lavoir
laissée en mains propres dans un village perdu en compagnie des derniers
hommes civilisés, les deux sages félins sen
sont retournés vers Paris en ruine et le peuple des chats qui les occupent.
Mais la bêtise de lhomme est immortelle et contagieuse et une
de ses créations va provoquer la scission des chats : une machine quils
ne comprennent pas et que certains veulent protéger tandis que dautres
la détruiraient volontiers. Cette machine à remonter le temps
va les mener à leur première guerre et les fera se rallier aux
belles paroles de chats se comportant en véritables politichiens.
Thème difficile donc (avec, entre autres, les déjà vus
problèmes de rencontre entre un personnage présent et son moi
futur) mais que Convard manie avec prudence et théorème dincohérence
(surprise à découvrir dans labum).
Le Choucas rapplique, Lax, Dupuis, Collection Repérages
Choucas : n.m. détective privé au costume noir et à la
chemise jaune. Détective privé ? Oui, par hasard et par amour
des polars ! Pour cause de licenciement aussi. Un ancien ouvrier sans histoires,
remonteur de pendules, deviendra le célèbre Choucas, héros
ringard de polar postmoderne, tel quil est qualifié par son auteur.
Lax nous livre une histoire parsemée de dérision, de parodie
et de références à de nombreuses séries noires.
Les jeux de mots se ramassent à la pelle. Les volutes de bonne humeur
se dispersent au fil des pages. Et lhistoire est somme toute crédible
tant le déroulement des événements semble senchaîner
naturellement. Certains personnages sont empreints de bonhomie. Dautres
sont tout bonnement détestables. Tous font partie du décor.
Le choucas, dont le nom véritable jamais nest cité, porte
un regard sur le monde chargé dun délectable cynisme.
Il faut sy attendre : le dessin est également chargé de
noir, dà-plats sombres mais aussi de couleurs souvent quasi-glauques.
Les tronches des personnages sont criantes de vérité. Le graphisme
de Lax est devenu du véritable expressionnisme. Le tout est immergé
dans un cadrage très dynamique donnant à lensemble une
vivacité soutenue. À comparer avec les dessins de ses séries
antérieures, on peut véritablement parler dévolution.
Une belle leçon décriture jubilatoire offerte jusquau
30 juin pour la modique somme de moins de 4 euros. Quand on sait quen
plus, la sortie du premier tome voit senchaîner les deux suivants
à un mois dintervalle, pourquoi sen priver ! ? !
Liens
le
site officiel
le choucas
le choucas
choucas
Collection Troisième Degré, Le Lombard
Après la Troisième Vague, Le Lombard démarre son Troisième
Degré, nouvelle collection dédiée à l'humour
et uniquement à l'humour. Sous légide dYves Sente,
directeur éditorial chez Lombard qui avait déjà lancé
la Collection Troisième Vague, trois albums sortent le 14 avril 2001
pour dilater les zygomatiques des lecteurs. Au menu, pas réellement
des nouveautés dans le « neuvième monde » puisque
Lait Entier nest autre quune extrapolation de la Vache de chez
Casterman, Odilon Verjus vient intégrer son cinquième album
dans cette nouvelle collection et les Space Mounties avaient déjà
eu droit à quelques espaces dans le magazine Spirou. Viendront sajouter
à ce triplé gagnant les aventures de Norbert Limaginaire
(par Vadot et Guéret en juin 2001) et Silex-files (par Frster
en 2002).
Les trois premiers morceaux choisis collent parfaitement au ton voulu par
la collection. Odilon Verjus a déjà fait ses preuves et donne
encore une fois une bonne dose de plaisir ecclésiastique. Yann est
en pleine forme et Verron le seconde de plus belle. La célèbre
vache de De Moor et Desberg sexpatrie après une huitaine dalbums
chez Casterman. À mon sens, une des meilleures doses dhumour
du neuvième art dont larrivée au Lombard (et le coup de
pub en renfort) ne peut faire que du bien. Il est temps pour la quadrupède
Pi 3,1416, un des meilleurs détectives bovins, dêtre enfin
reconnue. Les mésaventures des deux Canadiens de la Police Montée
version futuriste méritaient elles aussi une reconnaissance en album.
Ils zigzaguent dans le non-sens, les imbroglios, la fainéantise et
lextrême bonne humeur pour notre plus grand plaisir.
Le Lombard a donc bien tiré ses atouts et devrait grimper en flèche
dans le palmarès des ventes de bulles humoristiques. En attendant les
nouvelles séries pour un peu plus de découverte
- Breiz
Atao, Odilon Verjus, tome 5 par Yann
et Verron
- Sacrées
vaches, Lait entier, tome 1 par De
Moor et Desberg
- Les
mondes stochastiques, Space Mounties tome 1 par Guilhem
et Veys
Liens
Odilon
Verjus
Les Correspondances de Pierre Christin, Le sarcophage,
tome 6 avec Enki Bilal. Dargaud
Le 15 décembre 2000 marque la fermeture du dernier réacteur
de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine. Ce réacteur
n°4 à refroidissement à eau qui fut en avril 1986 à
lorigine dune des plus grosses catastrophes nucléaires
aux conséquences planétaires. Alors que Greenpeace réclame
à grands cris la fermeture de toutes les centrales du même type,
Pierre Christin et Enki Bilal pensent eux la reconversion du site
Ce sixième volume de la série des Correspondances de Pierre
Christin chez Dargaud voit donc la réunion de deux auteurs dont la
collaboration a déjà fait ses preuves à maintes reprises.
Avec énormément dironie diluée dans ce qui pourrait
passer pour un guide sérieux, lauteur de Valérian promotionne
son projet de Musée de lAvenir au cur même de la
Centrale. Avec en point dorgue, le fameux Sarcophage, chape de béton
hâtivement coulée autour du réacteur susmentionné.
Pour appuyer ses postulats suivants lesquels le site serait viable pour un
tel projet, Christin irradie louvrage de citations de militaires ou
autres personnes habituées des lieux. Par exemple, Konstantin Tchetcherov,
chercheur: Comme scientifique, jai découvert ici des choses
très belles,
. Lalbum est également jalonné
dimages darchives et surtout du trait puissant, cruel et glacé
dEnki Bilal. Tout simplement superbe ! Plus quun illustrateur,
Bilal est un visionnaire.
Ouverture du site complet au public en 2010, réservez vos places !
Liens
Les Nations Unies et Tchernobyl
Exposition Enki Bilal
Les Correspondances de Pierre
Christin
Sites dédiés à Bilal
LAnge endormi, La Croix de Cazenac, tome 2 par Boisserie et Stalner. Dargaud
Après Cible Soixante, voici venu lAnge Endormi, tome 2 des mésaventures
liées à la Croix
de Cazenac chez Dargaud. Pour rappel à ceux qui nont pas
lu le premier album (ou dont la mémoire joue des tours), Boisserie
et Stalner nous servent une fiction historico-réaliste dans le cadre
belliqueux de la Première Guerre Mondiale. Il sagit en fait dune
machinerie despionnage aux rouages efficaces, mais dont la toile de
fond impose une certaine rigueur pour en assurer la crédibilité.
Les dessins dEric Stalner
se prêtent parfaitement au genre. Ils sont précis, réalistes,
sans excès ni défauts, et transmettent pleinement latmosphère,
lambiance de lhistoire. Stalner sest même offert un
peu plus de liberté pour passer dans limaginaire dun rêve
empli de symbolisme : la scène de la grotte où Etienne Cazenac
affronte un ours surgi de son enfance est à savourer.
Au niveau du contenu scénaristique, Pierre Boisserie
nous donne à grignoter quelques pièces du puzzle, mais ne se
lasse pas de laisser encore certains blancs à combler. Peu de révélations
sont donc faites dans ce volume. Larrivée à Saint Petersbourg
permet au Trompe-la-Mort (le héros) de retourner sur les traces de
son enfance et dy découvrir des éléments de son
passé. Il ne faut toutefois pas sattendre à connaître
les mystères soulevés par lintérêt que suscite
cette croix familiale. Trahisons, traîtrises, surprises, retrouvailles,
et un soupçon dHistoire dans lhistoire ! Une bonne
dose de bd de qualité, agréable à lire !
Attends, tu vas rire !, Flip tome 1, Yves Boulanger. Dargaud
Il nest pas toujours simple de trouver une place dans un univers déjà
surpeuplé de nombreux personnages tels que Boule et Bill, Kid Paddle
ou autre Titeuf. Tous ont leurs propres caractéristiques et des qualités
savamment distillées. Premier pari réussi pour Yves Boulanger,
nouveau venu au neuvième art : faire publier son petit bonhomme surnommé
Flip. Dargaud a accepté mais au vu de la transparence du papier avec
un budget certainement limité. Pas de risques inutiles donc !
Le graphisme est simpliste à outrance. Pas de problèmes de ce
côté-là étant donné le public ciblé
plutôt jeune. Mais justement, là où Toupet ne cassait
que des bricoles à coup de marteau, Flip ne manque pas dassener
au chat des coups de masse sous le tapis, déventrer le chien
à laide de trottinette ou encore de tester du haut de cinq étages
la légende féline qui veut quun chat retombe toujours
sur ses pattes. Vous avez dit gore ? Bonjour lexemple. Enfin, peut-être
est-ce de lhumour ! Ce champion du roller en culotte courte nous offre
en plus la fréquentation dun pote patibulaire (mais presque)
dont le bonnet sur les yeux et la démarche chaloupante nest pas
sans rappeler Pouf, léternel copain de Boule.
Pour terminer tout de même sur une bonne note, il faut avouer certains
sourires qui ne manquent toutefois pas de sesquisser (scène de
surf page 39 par exemple). Mais de là à faire concurrence au
petit Spirou, le fossé est large...
Passé décomposé, Fleurs carnivores, Jean-Blaise Djian & Régis Penet, Soleil Productions
Les fleurs sont belles, attirantes, enivrantes.
Mais chargées dun passé trop lourd à (sup)porter,
elles peuvent se révéler très dangereuses. Cest
le cas de ces quatre jeunes femmes dont le souffle de la vengeance a commencé
à souffler sur la petite ville de Demming au Nouveau-Mexique.
Régis Penet converti avec ce premier album un coup dessai en
un coup de maître. On ressent une énergie insufflée
dans le dessin pour faire vivre ses personnages dans des décors criants
de vérité. Laide précieuse de la coloriste Christel
Gilberton lui a aussi assez bien réussi, notamment dans les scènes
de flash-back. Certains de ses traits ne sont pas sans laisser penser à
des référents dessinateurs, mais dexpressions en sourires
en coin, on hésite entre lun ou lautre. Peu importe puisque
la qualité est présente.
Côté scénaristique, Jean-Blaise Djian (auteur des séries
S-F Fatal Jack et Milane & Arlov ou encore du tout neuf et superbe Maître
du hasard) saffirme chez Soleil Productions et livre ici une série
très mature. Le rythme est soutenu, lintrigue ne lasse pas,
et les éléments sont parsemés du début à
la fin vers une envie irrésistible de lire la suite.
Cest un hasard, mais il fait bien les choses : le western se porte
bien (voir par ailleurs Western de Rosinski et
van Hamme) et a encore de beaux atouts dans ses manches
La foire aux cochons; lart daccommoder les restes, par Ptiluc, LEcho des Savanes/Albin Michel
À la limite de lexistentialisme post mortem à la sauce
porcine, La Foire aux Cochons nous emmène dans une autre vision du
purgatoire. Ptiluc conte à sa manière le siècle vingtième
écoulé. Fidèle à ses habitudes, ses narrateurs
nont dhumain que leur animosité : animistes cochons dont
les âmes sont celles de défuntes personnalités réincarnées
en attente dun illusoire jugement rédempteur.
De Napoléon Premier à Charles de Gaule en passant par Victor
Hugo, Staline ou encore Berlioz, on croisera une multitude dhumains
dont la particularité première aura été la mégalomanie
à outrance. Certains dentre eux nen finiront pas dexpier
leurs fautes, tel Hitler embroché-cochon-de-laie à chaque renaissance.
Dautres tenteront de comprendre, danalyser et de trouver la sagesse.
Patriarche de la cour, Napoléon en deviendra humble et devisera à
maintes occasions sur lévolution de la société
humaine avec les seules créatures terrestres douées de raison
et dintelligence, les vaches.
Cest donc avec humour que Ptiluc traverse le siècle et le commente
de manière pas souvent réjouissante. Les guerres, les déportations,
les réalisations industriellement anti-écologiques en terminant
par la maladie de la vache folle, rien ne sera épargné.
La Foire aux Cochons est un album sans prétention mais pleinement réussi.
À savourer avec beaucoup de plaisir !
Ghost in the Shell, réalisé par Mamoru Oshii, Manga original de Shirow Masasume. Dark Kana (Dargaud)
Dargaud réédite sa version de Ghost
in the Shell. Qui dit réédition dit succès ! Sûrement
!
À lorigine en 1995, Shirow Masamune publie un manga de qualité
irréprochable dans le genre. Il en découla une adaptation animée
en 1997. Celle-ci connu un succès vraiment mérité, aussi
bien de la part du public que des critiques. La même année, le
film a notamment gagné les World Animation Celebration Awards avec
les prix de Best Theatrical Feature Film et de Best Director Of A Theatrical
Feature Film. Lunivers était pourtant très différent
de celui du manga original: graphisme transformé complètement
mais néanmoins superbe, scènes dactions époustouflantes,
touches de poésie et dinterrogations freudiennes respectées
mais scénario raboté pour coller aux 82 minutes.
Fort de ce succès, Dargaud a choisi de publier une transposition des
images 35mm et de leur coller des bulles
On ne peut donc pas véritablement
parler de bd ! Le tout en respectant le format et le sens de lecture droite-gauche
à la japonaise. Bien joli tout ça mais ce format rend les images
si petites quon sy use les yeux (il ne faut pas oublier quelles
furent créées pour le grand écran). Alors où est
le but ? Apparemment permettre une meilleure compréhension, un meilleur
suivi de lhistoire !
Rien de tel alors que de fouiller dans le catalogue Glénat et dy
dénicher la traduction du manga original de Masamune
Indispensable donc pour les fans de mangas ou les adorateurs du vénéré
Masamune mais absolument sans intérêt pour les autres !
Liens:
http://www.hk.airnet.ne.jp/oomori/GHOST.HTML
http://www.johnsymonds.clara.net/ghost
http://www.geocities.com/Tokyo/Towers/1073/
La Neige Rouge, Gord tome 4, Denayer , Joker Editions
En 4 volumes, on a vécu 4 mois dévolution des personnages
mais il aura fallu attendre 14 ans entre le premier et le quatrième
tome qui vient de paraître 8 longues années après le troisième.
Publié à lorigine au Lombard pour être repris par
P&T Productions par la suite, la série Gord sort maintenant chez
Joker (qui nest autre quune évolution de P&T) qui offre
un format plus grand et un exemplaire gratuit dun des trois premiers
albums à lachat du quatrième. Pour ce dernier, Christian
Denayer sest vu orphelin de son collègue et ami scénariste,
Franz.
Les dessins réalistes de Denayer sont encore une fois exécutés
avec soin et un soucis du détail bien fait. En particulier pour les
décors et surtout larchitecture. On avait déjà
pu admirer sur cette Terre polluée la transformation de latomium
(en jeu-vidéo à lusage du machiavélique Flipper),
les ruines du Palais de Justice de Bruxelles et les canaux asséchés
de la Venise du Nord. On a droit maintenant à une Tour Eiffel adaptée
en rampe de lancement pour navette spatiale.
Malheureusement, le scénario peut quant à lui laisser perplexe.
On a limpression que Denayer était pressé de clore les
débats et quil a par conséquent abattu tous ses atouts
trop vite pour terminer un 1er cycle. Même si les idées restent
bonnes, leur abondance empêche leur développement. Gord le déposé
retrouve à peu près tous les antagonistes des premiers tomes.
Il va aussi en rencontrer de nouveau, dont le Roi-Soleil et un célèbre
messie de retour, mais également découvrir les joies
dune neige rouge acide et les tristes vérités de son exil
forcé sur Deadworld, la Terre-prison. Sans parler du reste pour ne
pas gâcher le plaisir, qui reste tout de même de mise à
la lecture de La Neige Rouge. Il faut juste espérer que
si deuxième cycle il y a, plus développé il sera !
Lise a souvent peur, Graine
de Paradis tome 1, Pierre Makyo. Collection
Caractère, Glénat
Visages figés, personnages souvent inexpressifs, action inexistante
ou presque,... À lopposé, couleurs chaudes, poésie
touchante et magie du conte,... Pierre Makyo renoue avec la bande dessinée
en solo, après les excellents Grimion chez Glénat et Le Coeur
en Islande chez Dupuis.
Malheureusement, la déception pointe le bout de son nez. Principalement
du côté des dessins. Peut-être aurait-il mieux valu que,
cette fois, Makyo délègue sa plume à un autre auteur.
Il a heureusement délaissé les couleurs qui sont, elles, très
réussies et apportent la chaleur et la lumière aux planches
dépouillées.
Lhistoire quant à elle fait hésiter. On aime ou on naime
pas mais cela dépendra surtout de son propre état desprit,
de sa réceptivité du moment. On peut sennuyer comme on
peut être touché par la beauté de lidée :
Ah, ces mots magiques qui permettent à Lise, petite fille traumatisée
par sa mère, de sévader. Mots magiques quelles trouvent
auprès de son ami Pierre qui chaque jour lui invente un conte. Pierre,
lui, est inspiré par son père qui connaît le secret des
contes capable de changer le destin. Mais quont Pierre et Lise en commun?
La mère de Pierre est partie; le père de Lise sen est
allé. Ensemble !
Il faut espérer que Makyo poursuivra ce brin de poésie magique
dans le second volume mais quil y ajoutera en plus des dessins à
la hauteur. Il en est capable pour lavoir déjà prouvé
à dautres reprises.
Les Ogres, Hiram Lowatt & Placido tome 2, Collection
Poisson Pilote, Dargaud
Impossible de parler des nouvelles aventures dHiram Lowatt et de son
acolyte-garde du corps indien Placido sans faire un flash-back sur leurs précédentes
péripéties (La
révolte dHop-Frog sorti en 1997 et réédité
en avril 2000 dans la nouvelle collection Poisson Pilote) !
Christophe Blain au dessin et David B. à la plume nous avaient alors
livré une oeuvre déconcertante, inhabituelle. En bref, ce western
se déroule au Texas en 1880 et voit se dérouler une vieille
prophétie indienne qui veut que les Indiens et les objets accèdent
à un nouveau monde dépourvu de Blancs. Imaginez
alors des rails de chemin de fer se soulever pour donner le signal dune
révolte des objets menée par Hop-Frog, dangereuse petite poterie
révoltée. Flairant lénorme scoop, le journaliste
Hiram Lowatt se lancera dans laventure.
Les couleurs sont chaudes, harmonieuses et les dessins sont beaucoup moins
simplistes quil ny paraît au premier coup dil.
Lhistoire est toute teintée dhumour et pour le moins originale.
Difficultés donc pour le tome 2, paru en juin 2000, de faire aussi
bien. En effet, on ne retrouve plus latmosphère onirique et loriginalité
du premier volume. Lhistoire reste toutefois assez fantastique pour
être intéressante. Le rêve laisse la place à une
bestialité quasi hallucinatoire. En tournée à travers
les Etats-Unis pour une série de conférence sur le sujet évoqué
plus haut, Hiram Lowatt et Placido vont être confrontés à
la sauvagerie dune tribu indienne connue sous le nom des Curs
de Bête.
Toute cette noirceur déteint bien sûr sur le dessin de Blain,
qui est ici beaucoup plus acéré et moins pastel. Mais quoi quil
en soit, les ogres est un album magnifique à lire avec
énormément de plaisir et qui ne perd de la valeur quen
comparaison avec lopus précédent.
Psybombe, Lhistoire de Siloé tome 1, Serge Le Tendre & Stéphane Servain, Collection Neopolis, Delcourt
Voilà une sortie qui maura posé des problèmes !
Jai fait lacquisition du premier album de lHistoire
de Siloé dès sa sortie par lodeur alléché.
Bons nombres déléments en préconisait lobligatoire
passage à la caisse enregistreuse : juteuse campagne promotionnelle
de Delcourt, alléchantes vitrines de certaines librairies, propos dithyrambiques
de certains libraires et critiques,... Tant déléments
quà la première lecture, la déception fuse ! Alors
commence le tiraillement : y aurait-il eu autant de ramdams autour de Siloé
pour si peu ? Non ! Obligation alors se fait dun plongeon immédiat
dans une seconde lecture. Et enfin linaltérable qualité
narrative de Serge
Le Tendre fait surface. Comme à son habitude, il travaille la psychologie
de ses personnages en profondeur. Ou à tout le moins tisse une toile
autour deux en vue dune exploration ultérieure !
Il a immergé le tout dans un univers dessiné par Servain
: un monde genre Blade Runner avec la lumière en plus. Les dessins
de Servain sont assez différents de ceux quils réalisent
pour lEsprit
de Warren, du moins travaillés différemment. Il sest
ici fait assister par un ordinateur qui lui a permis, par exemple, une mouvance
plus aisée dans les plans. Il a eu lintelligence de gommer
leffet machine et de rendre un tracé plus sale, plus
manuel à ses personnages. Mais cest surtout au niveau
des couleurs que le rendu se fait sentir ; la machine a permis à Servain
de les réaliser pour la première fois lui-même à
limage de quil voulait obtenir.
Enfin, il faut tout de même citer le fait que Psybombe vient dobtenir
le prix de la meilleure BD de science-fiction au Festival International de
Science-Fiction (Utopia 2000) qui se tenait à Nantes fin octobre 2000.
À voir en plus : le site
spécial chez Delcourt avec animation, interview, images en 3D et
prépublication.
Le casse-tête, Immondys tome 1, Hulet, Collection Carrément BD, Glénat
Quand on lit des bandes dessinées depuis très longtemps, on
est régulièrement amené à se dire déjà
vu ou déjà fait,
et on se demande sil
ne serait pas temps de trouver quelque chose de différent. On peut
dire que Daniel Hulet a fait très fort. Auteur reconnu des éditions
Glénat (avec les séries Pharaons et Etat Morbide),
il a été choisi pour inaugurer le premier volume dune
nouvelle collection intitulée Carrément BD.
Le principe est simple : on prend le format classique, on loublie et
on édite un 30cmx30cm. Au premier abord, on se demande de quel côté
tenir le livre ; on trouve enfin louverture et on se rend compte que
même à lintérieur, le sens nest pas toujours
le bon. Hulet nous transporte dans une mise en page alambiquée et nous
oblige à nous tordre pour lire les cases à lendroit
bien quon pourrait se contenter de tourner lalbum.
Cest un prélude au contenu tortueux, déroutant, complètement
tiré par les cheveux. Lhistoire nest pas vraiment résumable,
mais raconte la quête didentité dun homme et dune
femme, embarqués dans les méandres tortueux du quotidien. Immondys
est un livre ouvert à la recherche esthético-graphique de son
auteur qui nous avait déjà emporté dans des cauchemars
glauques avec Etat morbide et qui en profite ici pour aller encore
plus loin.
À lire mais surtout à relire pour y voir plus clair ! Mention
spéciale aux dessins de Hulet: superbes ; particulièrement les
décors - les Bruxellois reconnaîtront sans doute certains lieux.
Pour finir et pour en savoir un peu plus, je vous conseille de lire linterview
de lauteur offerte par Glénat sur leur site (vu le prix de lalbum,
léditeur pouvait au moins faire cela).
On ne présente plus Rosinski et van Hamme. On les connaît aussi
bien ensemble que séparément. On les aime ou pas, mais on ne
peut nier leur talent. Même si la série fantastique de Thorgal
semble interminable et tirée en longueur, elle est tout de même
riche dexcellentes qualités (souvent). Cest toutefois en
1988 chez Casterman quéclate létendue de leurs richesses
communes et complémentaires : Le Grand Pouvoir du Chninkel. Il sagissait
dun ambitieux "one shot" quon pourrait comparer à
un Ancien Testament de la bande dessinée. Littéralement formidable
!
Un nouveau "one shot" de cette paire dauteur ne pouvait donc pas passer inaperçu. Jean van Hamme a donc concrétisé un vieux rêve de Grzegorz Rosinski : un western. Le moins qu'on puisse dire est que Rosinski lui en est reconnaissant. Son graphisme est tout simplement une réussite telle qu'il n'en avait pas produite depuis trop longtemps. Il a conçu chaque case comme un véritable tableau. Ses coups de pinceaux donnent des contours et des couleurs directes qui nous transposent dans un "far west" plus vrai que nature. On goûte la poussière des plaines et on sent la sueur des hommes de l'Ouest.
Le prolifique scénariste n'avait, il est vrai, plus été
inspiré de la sorte depuis quelques albums. Sortir de ses séries
ne lui a donc fait que du bien. Ses personnages sont attachants. Sa narration
à la première personne fait mouche dès le début.
On s'accroche tout de suite à son histoire pour ne la lâcher
qu'à la fermeture de l'album. Van Hamme arrive à nous faire
sentir la présence des Sioux sans jamais qu'un seul n'entre en scène.
On est donc loin d'entrer dans une polémique visage pâle versus
peau rouge. On assiste plutôt à un récit psychologique
avec des imbroglios tels qu'ils existaient sans aucun doute en cette époque
et ces lieux éloignés.
Nul doute que ces deux auteurs ont du passer du temps à explorer les
différentes sources de documentation possible. A ne pas manquer !